Par Rédacteur Web le jeudi 2 décembre 2010, 23:48
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Évoqué lors du dernier billet « Captation de l’audience et capture de popularité« , le phénomène d’incitation à la participation des internautes est une sacré manne pour tous les webmarketers du monde.
Le crowdsourcing tel qu’il est
Utilisé correctement, c’est à dire en donnant envie aux visiteurs de laisser leur marque grâce à des outils simples et ergonomiques, cet avatar du crowdsourcing repose principalement sur la notion d’égo. Laisser un commentaire sur un mur Facebook, publier un gazouilli sur Twitter, changer son statut sur Myspace ou n’importe quel système de réseau social n’est rien d’autre que signifier « j’existe, je suis même là comme vous, au cœur du cyber-espace interactif, du grand Tout où il FAUT être, je le prouve, j’agis ».
Malheureusement, c’est l’ego qui s’exprime, c’est l’ego de l’avatar que je suis sur internet, et dans lequel je projette cette image de ce que j’aimerais être, ou je crois être.
Aujourd’hui les leaders des réseaux sociaux sont de vastes simulacres d’agora, des lieux « publics » virtuels qui voient des milliers de personnes communiquer ensemble sur les futilités de la vie. Une sorte de bavardage continu. Sauf qu’au delà des discussions amicales et de comptoir, vient un moment où finalement il n’y a plus grand’chose à échanger. Qu’à cela ne tienne : ces réseaux sociaux vous fournissent les sujets de discussion ! Sous forme de compilation des « meilleurs » tweets, sous forme d’applis (applications, comprenez petits programmes embarqués), de tests divers et variés, de quiz, de jeux… Et puis, si les mots nous manquent pour communiquer, le réseau nous propose d’autres substituts : images, sons, vidéos…
Ainsi, on se créé un compte sur un réseau social pour dialoguer avec ses amis et proches, éloignés ou pas, et on finit par divaguer publiquement sur le score de Untel (un internaute à qui on a ouvert notre porte et que Facebook nous fait qualifier d’ »ami« ) obtenu à un jeu aliénant. Bien entendu, de « véritables » échanges sont possibles sur ces réseaux, mais quel volume d’information échangée représentent-ils ? Face au déversement continu de banalités et de tentatives de racolage (invitation à un évènement, invitation à devenir « fan de », invitation à faire un test, invitation à joindre un groupe…) ?
Justement, le groupe… rien n’est aussi précieux qu’un groupe pour cibler les profils. Les cohortes des réseaux sociaux permettent de profiler :
- centres d’intérêts,
- temps passé sur tel media,
- lieu de connexion internet géolocalisé,
- sexe,
- tranche d’âge,
- historique de pages et/ou sites visités
etc En tout plusieurs centaines de critères sont fournis aux marketeurs pour optimiser la portée et l’efficacité (le ROI) de leurs campagnes publicitaires.
Pas la peine de s’étendre là-dessus. Tout est entendu.
Quant au reste, en plus d’être des simulacres de lieux d’échanges, la plupart des réseaux sociaux sont également de vastes supermarchés. Avec de la pub, plus ou moins discrète, mais toujours monnayée.
C’est à dire que l’utilisation est « gratuite », qu’on échange des données sur le réseau, qu’on consomme de la bande passante qu’on paie, mais surtout qu’on alimente le trafic du site et qu’on lui confère ainsi de la valeur.
« Si tout le monde y va / en est, c’est que ce réseau doit être bien. »
Chacun, en s’inscrivant « pour voir » ou simplement en visitant, apporte son crédit à l’ensemble.
De l’autre côté, la société vend ses espaces publicitaires. Non pas grâce à son invention ou son système (ou si peu), mais grâce à nous. Sa valeur, ce sont ses internautes (utilisateurs+consommateurs). Sa valeur AJOUTEE, ce sont encore ses internautes (utilisateurs ACTIFS créant des contenus et animant le réseau).
Sur internet, cela ne choque pas, c’est virtuel. Mais c’est un peu comme si, lorsque vous allez faire vos courses (car internet n’invente rien et le supermarché réel est depuis longtemps l’agora : ne rencontrez-vous pas plein de visages connus en faisant vos courses ? Ne discutez-vous pas à gauche et à droite dans les rayons ?), de parfaits inconnus venaient se poster autour de l’attroupement que vous formez avec vos connaissances, en brandissant des pancartes publicitaires directement en rapport avec votre sujet de conversation. Vous imaginez la scène ?
Je ne parle volontairement pas du potentiel de l’information privée (toi, moi, nous, les groupes auxquels nous appartenons, etc) détenue par ces réseaux, (une manne bien plus énorme encore, qui croît et se révélera… plus tard), car ce sujet-là est régulièrement exposé au paysage médiatique. Mais attention, surexposition ne doit pas rimer avec oblivion (oubli en anglais, pour la rime).
Bon. Certains puristes risquent de me re-parler de crowdsourcing. J’entends, dans le cadre de cet article, cette notion comme le fait de proposer au grand public de participer à différents projets interactifs (dont les réseaux sociaux, qui sont des sites dits « communautaires » ou encore « participatifs », ou encore « web 2.0 » qui signifie tout ça).
Bien entendu, on peut distinguer plusieurs formes de sourcing:
- sourcing d’idées (exprimez-vous : quelles idées pour changer la planète ?),
- sourcing commercial/marketing (votez pour les designers de tee-shirts de laFraise, et gagnez la possibilité d’acheter votre design favori s’il remporte le concours),
- sourcing de données (les internautes communiquent la position des radars de contrôle routiers sur les itinéraires des GPS), etc…
Dans le contexte de ce blog, c’est donc toute notion de contenu créé et/ou apporté par l’internaute-média qui définit le crowdsourcing. La moindre interaction sur le réseau est valeur ajoutée.
Je vous rassure : le crowdsourcing est parfaitement indolore. Mais je tenais à vous faire prendre conscience du fait qu’il n’est pas innocent. En participant sur les réseaux sociaux, en croyant échanger, en essaimant vos avis et vos connaissances, vous vous dépossédez de votre individualité. Vous vous mettez à nu.
Cela peut éventuellement servir à d’autres, qui vous remercieront peut-être pour le conseil, l’astuce ou l’avis. Mais cela sert surtout le réseau social lui-même, qui stocke vos données, vos avis, vos compétences… et s’enrichit en son nom propre.